Les travaux de Paulin Ismard visent tout d'abord à éclairer le lien étroit qui unit l'invention de la démocratie et l'esclavage en Grèce ancienne. En étudiant la façon dont est défini à Athènes l'homme-marchandise qu'est l'esclave, les formes d'organisation de son travail, ou encore le statut de sa parole dans l'espace judiciaire, est proposé une analyse inédite du droit athénien de l'esclavage.
Mais il s'agit surtout de placer l'esclavage au coeur de nos réflexions sur l'expérience grecque, en éclairant la façon dont la cité des hommes libres est elle-même modelée par l'institution esclavagiste.
Incarner infailliblement l'Etat, le pouvoir et l'autorité dans un corps mortel : le paradoxe de la royauté ne manque pas de sauter aux yeux de nos contemporains. Dans ce contexte, la moindre spécificité biologique ou physique a son influence : la voix de Louis XV, cassée et enrouée, l'amène à déléguer ses discours et donc à apparaître plus distant de la cour et des affaires du royaume. Le célèbre portrait en-pied de Louis XIV par Hyacinthe Rigaud, peint en 1701, est le reflet de ce paradoxe : le visage du roi vieillissant et atteint de goutte n'est pas idéalisé outre mesure, pour permettre son identification, éviter l'invraisemblance et le ridicule ; les jambes en revanche sont celles d'un jeune homme, pour ne pas diminuer la "royale virilité" du sujet. A la fois éphémère et extraordinaire, le corps du roi est au cœur d'un nombre important de procédés tentant de pallier sa nature mortelle, de la cérémonie du sacre à celle des funérailles, en passant par les rituels thaumaturgiques.
Face à lui, la noblesse est un corps politique en entourant un autre, qui le protège et le regarde tout à la fois. Comment la noblesse négocie-t-elle jusque dans son corps ses privilèges, comment tente-t-elle de les justifier en incarnant physiquement des qualités supérieures, comment sa "bonne" tenue incarne-t-elle un rempart pour l'ordre monarchique ?
Émission "La Fabrique de l'Histoire", animée par Emmanuel Laurentin.
En France plus qu'ailleurs - peut-être en raison de son rôle supposé dans la Révolution - ce que l'on appelle l'héritage des philosophes des Lumières joue un rôle majeur dans le débat public. Qu'il s'agisse des débats sur la laïcité, sur l'identité nationale ou sur la construction européenne, cet héritage est aujourd'hui invoqué par tout le monde. Pour s'en réclamer ou pour l'attaquer.
Devenues une sorte de mot de passe pour désigner les sources idéologiques de la modernité occidentale, Les Lumières sont donc et plus que jamais au cœur du débat.
Émission "Signes des temps", animée par Marc Weitzmann.
Depuis l'ouverture des archives après la fin de l'Union soviétique, l'histoire soviétique ne peut plus décemment se faire sur le mode de la propagande de guerre à laquelle nous avait habituée la guerre froide.
Aymeric Monville, éditeur de nombreux livres d'histoire en ce domaine et auteur d'un ouvrage de synthèse sur la question, aborde différents historiens qu'il a publiés : Viktor Zemskov, premier historien à être allé dans les archives et vis-à-vis duquel toute la recherche en soviétologie a toujours été tributaire ; Marc Tauger qui a considérablement enrichi notre vision de l'agriculture soviétique ; ou encore Grover Furr et d'autres auteurs qui nous donnent une vision renouvelée du rapport Khrouchtchev ou encore des procès de Moscou.
À l'heure actuelle où notre état-major prétend préparer la France à une "guerre de haute intensité" contre la Russie – car sinon contre qui d'autre ? –, puisse ces travaux renforcer la compréhension mutuelle entre Russes et Français, aujourd'hui comme hier mise à mal par les tambours de guerre et les marchands de canons.
Jules Vallès fut un personnage dont la démarche, les passions, les actions restent vivantes. Un journaliste, un écrivain qui déploya ses combats depuis la fin de la Monarchie de Juillet et la Révolution de 1848 jusqu'aux premières années de la Troisième République, en passant par la Commune de Paris, qui fut pour lui essentielle.
Il a les honneurs de la bibliothèque de la Pléiade pour la trilogie d’une autobiographie romancée : L'Enfant, le Bachelier, l'Insurgé. Il avait choisi d'intituler son premier livre, un recueil d’articles paru en 1865, Les Réfractaires. L'adjectif lui va bien. Il le préférait aux termes de "rebelle" ou de "révolté" qu'on lui a souvent accolés. "Insoumis" ne serait pas mal venu non plus.
La société où il a grandi, celle de la seconde révolution industrielle, qui fut si dure aux prolétaires, et qui porta l'émergence d'une nouvelle classe moyenne, cette société où la circulation de l'information, des indignations, de la propagande se fondait exclusivement sur l'écrit et était si étroitement surveillée, cette société était d'une nature bien différente de la nôtre. Et pourtant nos angoisses contemporaines peuvent susciter des cris qui ne sont pas sans faire écho aux siens.
Émission "Concordance des temps", animée par Jean-Noël Jeanneney.
Vladimir Volkoff, au travers de son triptyque russe consacré au temps des Troubles, nous dépeint l'âme Russe éternellement attachée à la terre et à la foi orthodoxe.
L'occasion de rentrer dans l'atelier de l'écrivain pour constater qu'il n'est nulle besoin d'arranger une réalité historique imprégnée de cette forme (suicidaire) de romantisme slave qui n'a pas d'équivalent chez les autres peuples.
Émission "L'art littéraire", animée par Pierre Debray-Ritzen.
Alors que son domaine de prédilection est d'abord l'histoire médiévale, Régis Le Gall Tanguy se penche cette fois sur les marges politiques à l'extrême droite de l'échiquier politique au XXe siècle.
De l'entre-deux guerre à la Seconde Guerre Mondiale, il met à jour les liens entre le mouvement indépendantiste breton et la Collaboration avec le nazisme pour raconter ensuite les soubresauts de la droite antigaulliste de 1945 jusqu'à la création du Front National en 1972.
Un exposé historique en forme de leçon politique.
Le 21 janvier 1793, à Paris, Louis XVI est guillotiné publiquement au terme d'un jugement rendu au nom de la nation et de la République. La Révolution est victorieuse. Elle s'était réalisée peu à peu depuis 1789, quand le roi avait dû réunir les États généraux. D'affrontements en crises, elle s'était affirmée contre le monarque jusqu'à le chasser du trône le 10 août. Le 21 janvier marque une nouvelle ère pour le pays, ainsi que pour les pays européens : ce qui s'accomplit ce jour-là se veut exemplaire pour les peuples désireux de se libérer des princes et des rois. Conséquence inattendue, la guerre se généralise à tout le continent.
Cet événement, considérable par sa radicalité, implique une certaine détermination. L'exécution désigne une peine capitale appliquée après sentence d'un tribunal et évoque une destruction délibérée, désignant plus largement une opération effectuée en appliquant des règles et des procédures, réalisée au terme d'un projet mûri.
Pendant plusieurs mois, en effet, les Français hésitèrent à fixer le sort du souverain déchu et se déchirèrent d'abord pour définir les modalités du procès, ensuite pour savoir s'ils allaient le tuer. L'exécution légale a été un choix extrêmement difficile à faire, qui a laissé plus de traces mémorielles que l'acte lui-même. C'est pourquoi Jean-Clément Martin s'intéresse plus aux querelles et aux rapports de forces entre groupes révolutionnaires, qu'à l'examen de la responsabilité du roi et à sa personnalité.
À côté du destin tragique de Louis XVI et de la rupture du lien du pays avec la monarchie en janvier 1793, la France se cherche entre Révolution et République dans ces mois d'automne-hiver 1792-1793 : c'est là que se trouve le coeur de l'affaire.
Émission du "Libre Journal des débats", animée par Charles de Meyer.