"Si vous n’êtes romain, soyez digne de l’être."
Pendant quinze siècles, ce vers de Corneille a porté l’ambition française : être reconnue comme l’héritière de Rome, de son Etat, de sa langue, de sa manière unique d’assimiler les étrangers – à la fois hautaine et égalitaire – et même de sa façon d’imposer la paix en Europe.
Eric Zemmour raconte cette obsession autour de laquelle s’est tissé le roman historique français. Philippe Auguste, Louis XIV, Napoléon, Clemenceau croient toucher au but. Mais à chaque fois un croc-en-jambe les fait chuter, tantôt la puissance anglo-saxonne – notre "Carthage" – ou bien la force allemande – notre meilleure élève. A chaque fois aussi, la France s’invente des raisons d’y croire à nouveau, que celles-ci s’appellent les colonies, De Gaulle ou l’Europe.
Sauf qu’aujourd’hui la mécanique impériale est cassée. Comme si nous vivions déjà à l’heure de la chute de l’Empire, submergés par de nouveaux "barbares"…
La culture se serait aujourd'hui répandue dans toutes les couches de la population. Renaud Camus soutient le contraire.
Il expose le caractère inégalitaire et élitiste de la culture, en faisant l'analyse sémantique de cette dernière.
Le paradoxe de notre société étant que l'objectif quantitatif, qui est au cœur de l'ambition démocratique en sa transposition culturelle, fait surtout le lit de l'argent par le biais de la publicité, des taux d'audience et des lois du marché...
1866, date qui marque la victoire de la Prusse sur l’Autriche, constitue un tournant de l’histoire de l’Europe. La victoire de Sadowa bouleverse en effet la géopolitique et permet la création de la future Allemagne unifiée.
Bismarck (1815-1898) est à l’Allemagne du XIXe siècle ce que Frédéric II fut à celle du XVIIIe siècle. Il en façonne le destin sur plus d’un demi-siècle. Ce Junker prussien a le génie de concilier les contraires. Conservateur de vieille souche, défenseur du trône, il revêt les habits du révolutionnaire quand les circonstances lui paraissent l’exiger ; patriote prussien, il fonde l’empire allemand ; après avoir bouleversé le visage de l’Allemagne et de l’Europe centrale, fait du Reich la première puissance du continent, il se transforme en défenseur du statu quo. Antisocialiste forcené, il installe la législation sociale la plus avancée de son temps en Europe.
Si la sortie de Pierre Drieu la Rochelle (1893-1945) en Pléiade ravive des débats politiques et idéologiques liés à sa Collaboration et à son antisémitisme, elle permet également de faire retour à une oeuvre littéraire singulière, marquée par l'expérience de la guerre totale, la première et supposée "der des der", qu'il vécut au Front (Verdun, Dardanelles), à celle d'une entre-deux-guerre endiablée dont il accompagna, côtoyant les Surréalistes puis rejoignant la mouvances fasciste, l'effervescence et les impasses, laissant derrière lui une longue déploration, hérissée de satires sociales, de désenchantement métaphysique et d'errance intérieure. Un périple gâché et épanouit par son suicide au gaz, le 15 mars 1945. Ne sont pas oubliés les films inspirés par son oeuvre : Louis Malle, Jonathan Trier.
Le personnage et l'oeuvre d'Albert Lewin sont ensuite abordées, à la suite de la sortie de "Pandora", "Bel-ami" et "Le Portrait de Dorian Gray" en DVD. Lewin, gourmet de culture et d'avant-gardisme artistique s'attacha à peindre, au sens fort d'un cinéma hanté par legeste pictural, des figures d'être marquées par la mort : Pandora et le Hollandais volant, à qui il donna les traits d'Ava Gardner et de James Mason ; Bel-ami qu'il fit jouer à George Sanders ; Dorian Gray qui prit, grâce à lui, les traits glaçants de l'acteur Hurd Hatfield.
Historienne spécialiste du XVIIIeme siècle, Marion Sigaut s’est révélée au grand public lorsqu’elle publia une "contre-enquête" sur l’affaire Damiens, accusé, jugé et condamné pour la tentative de meurtre sur le roi Très-Chrétien Louis XV.
Démystifiant l’histoire officielle, son récit palpitant revient sur une affaire dans laquelle les mensonges et la manipulation côtoient la trahison et l’hypocrisie. Depuis lors, toujours sur sa lancée, elle s’attelle à démythifier l’épopée "lumineuse" du XVIIIeme siècle, en mettant l’accent sur le rôle trouble joué par une secte méconnue, les jansénistes.
Héritiers présumés de l’évêque d’Ypres Cornelius Jansen, "les juges", d’après Marion Sigaut, favorisèrent l’essor des "lampions", tout en accélérant la chute du régime qu’ils étaient censés servir.
Dans cet entretien palpitant, Franck Abed revient sur le parcours d’historien emprunté par Marion Sigaut, son analyse de cette période charnière des "Lumières", ainsi que sur le reste de son œuvre passionnante qui l’a conduit, entre autres, des rives calmes de la Néva aux rivages tumultueux du Jourdain…
Christophe Guilluy, géographe et chercheur auprès de collectivités locales et d’organismes publics, affirme que la conception dominante d’une "société sans conflit, moyennisée, multiculturelle et consensuelle" masque l’existence de "graves fractures sociales et culturelles", dont les "couches populaires sont les premières victimes".
Il dénonce aussi l’image caricaturale d’une France où s’opposeraient d’un côté une minorité "d’exclus issus des minorités ethniques" et de l’autre une majorité d’inclus : les banlieues d’une part et les autres territoires d’autre part.
La "classe moyenne majoritaire et bénéficiaire de la mondialisation", n’existe pas. C’est un mythe entretenu par la "disparition des couches populaires de la sphère médiatique, culturelle et politique".
Philippe Nemo propose, dans son livre "Les deux républiques françaises", une relecture de l'histoire politique française depuis deux cents ans.
Son opposition entre deux conceptions antinomiques de la République et de la démocratie, soit la vision libérale de "1789" opposée à la vision jacobine et millénariste de "1793", se révèle d'une très grande efficacité pour comprendre la continuité des conflits idéologiques en France et réinterpréter un certain nombre d'événements politiques dont nous n'avons pas toujours perçu la nature des enjeux.
Philippe Nemo s'exprime ici en tant que penseur libéral sur sa conception des rapports entre République et laïcité, qui le conduit à faire le procès de la politique scolaire et universitaire française poursuivie avec une extraordinaire constance par tous les gouvernements républicains qui se sont succédés depuis le début du XXème siècle jusqu'à aujourd'hui.