Affreux, sales et texans (mais pas seulement) tel pourrait être le sous-titre de cet entretien en compagnie de l'historienne Sylvie Laurent, avec qui nous allons gaillardement à la rencontre de cet archétype du "mauvais genres" social nord-américain qu'est le "Poor WhiteTrash".
Il faut entendre le mauvais pauvre, le dégénéré de naissance, le marginale pathologique, feignant, avide et vicieux, portant d'incruster sur sa face, de répandu sur tout son corps de sous-homme, les stigmates des pires abjections morales. Pour l'américain digne et laborieux, le "White trash", ou "raclure blanche", c"est le rebut de la société, l'ordure vivante, entre la bête et l'esclave, mais sans leurs avantages respectifs, car improductif. Cette catégorie hante la conscience américaine depuis la fondation des USA.
Nous en suivons l'évocation littéraire, de Caldwell à Russell Banks ou Eminem et nous nous consacrons à son incarnation cinématographique au travers d'une production qui va d'Anthony Mann à Rob Zombie.
Émission "Mauvais Genres", animée sur François Angelier.
L'identité, après avoir été défendue à gauche, est désormais instrumentalisée par la droite et l'extrême-droite. Il est nécessaire de revenir sur cette notion consubstantielle à l'être humain, et qui peut être utile à la compréhension de la société si elle n'est pas réduite à des usages politiques.
À cet effet, Nathalie Heinich et Mark Lilla qui publient respectivement Ce que n'est pas l'identité (Gallimard) et La gauche identitaire. L'Amérique en miettes (Stock), reviennent sur les usages et mésusages du concept d'identité.
Émission "Signes des temps", animée par Marc Weitzmann.
Retour sur l'expérience des "établis" en compagnie de Robert Linhart qui nous fournit par là le récit d'un intellectuel employé comme ouvrier dans une usine Citroën en 1968, le sien. Un témoignage exceptionnel qui revient sur certaine époque et son militantisme d'extrême-gauche maoïste.
Émission "Hors-champs", animée par Laure Adler.
Né en 1908 à Bruxelles, Claude Lévi-Strauss grandit à Paris dans une famille de peintres. Chez lui, on chante Offenbach par cœur et on va à l'opéra même quand on n'a pas beaucoup d'argent. Pendant ses vacances dans les Cévennes, il se passionne pour la géologie, la nature, le camping.
Au début des années 30, il est un jeune agrégé de philosophie, qui a lu Marx et découvert Freud. Il est envoyé en province pour enseigner, mais c'est surtout son activité de militant socialiste qui le passionne. Il ressent par ailleurs le besoin de rompre avec l'enseignement traditionnel de la philosophie tel qu'il l'a reçu à la Sorbonne. Curieux de tout, il a envie d'embrasser le monde. C’est "un dimanche de l'automne 1934, à 9h du matin, sur un coup de téléphone" que tout se décide.
Il embarque pour le Brésil, invité à devenir professeur de sociologie à l'université française de Sao Paulo. C'est là, au cours de ses congés, qu'il entreprend ses premières expéditions à la rencontre des Indiens. Cette expérience est un baptême ethnographique, qui marque le tournant de sa carrière, et lui fournit la première matière de la révolution des sciences sociales qu'il s'apprête à mener.
De retour en France, les lois raciales de Vichy le contraignent à partir aux Etats-Unis en 1941 où il rencontre l'effervescence du monde de l'exil européen à New York, entre surréalisme et naissance du structuralisme.
Après-guerre, il revient en France et entreprend l'intense travail de l'écriture. Des décennies au cours desquelles Claude Lévi-Strauss réinvente l'anthropologie, discipline désormais affirmée, grâce à lui. En 1959, il est élu au Collège de France à la chaire d'anthropologie sociale.
Il publie La pensée sauvage en 1962, qui bouleverse la pensée occidentale sur les sociétés sans écriture : la frontière entre "elles" et "nous" s'estompe. La pensée n'est pas que dans le langage et la rationalité, elle est partout à l'œuvre.
Puis de 1964 à 1971, il publie son œuvre majeure, les quatre volumes de Mythologiques, une approche structurale des mythes, qui empruntent leur forme à la musique.
Avec l'œuvre de Lévi-Strauss, c'est une révolution du regard qui s'opère, une mise en perspective de tout ce qui nous fait en tant qu'individu et en tant que société.
D'œuvre en œuvre, il élabore ce "regard éloigné" qui nous fait prendre conscience que les notions que nous croyons les plus universelles sont encore le fruit d'une vision ethnocentriste du monde. Sa lecture est une expérience de transformation de soi.
Après avoir fortement influencé la recherche dans les années 60-70, la pensée de Lévi-Strauss est redécouverte aujourd'hui et révèle toute sa pertinence et son actualité.
Émission "Une vie, une oeuvre", produite par Irène Omélianenko.
Écrivain de l'époque édouardienne, Gilbert Keith Chesterton (1874-1936) est un écrivain prolifique, essayiste, auteur de poèmes, de biographies, d'articles, de nouvelles policières. Et alors que deux essais de Chesterton, Hérétiques et Orthodoxie, viennent d'être réédités, ce sont deux inconditionnels de l'oeuvre qui viennent nous en parler.
Dans ce débat à teneur philosophique, le philosophe Jacques Dewitte et le journaliste et écrivain Basile De Koch parlent de ce qu'ils doivent à l'oeuvre de l'écrivain anglais Chesterton.
Émission "Répliques", animée par Alain Finkielkraut.
L'idée de progrès était une idée doublement consolante. D'abord, parce qu'en étayant l'espoir d'une amélioration future de nos conditions de vie, en faisant miroiter loin sur la ligne du temps un monde plus désirable, elle rendait l'histoire humainement supportable. Ensuite, parce qu'elle donnait un sens aux sacrifices qu'elle imposait : au nom d'une certaine idée de l'avenir, le genre humain était sommé de travailler à un progrès dont l'individu ne ferait pas lui-même forcément l'expérience, mais dont ses descendants pourraient profiter.
En somme, croire au progrès, c’était accepter de sacrifier du présent personnel au nom d'une certaine idée, crédible et désirable, du futur collectif. Mais pour qu'un tel sacrifice ait un sens, il faut un rattachement symbolique au monde et à son avenir. Est-ce parce qu'un tel rattachement fait aujourd'hui défaut que le mot progrès disparaît ou se recroqueville derrière le seul concept d'innovation, désormais à l'agenda de toutes les politiques de recherche ? D'où vient que l'avenir a pris la figure de l'ennemi et non plus celle de l'ami ?
Émission "La Conversation scientifique", animée par Etienne Klein.
Le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa poursuit son exploration de la modernité en général, et plus particulièrement notre rapport au temps. Après avoir analysé l'accélération de nos sociétés, il propose le concept de résonance pour se reconnecter au monde.
Dans son ouvrage Rendre le monde indisponible (La Découverte, 2020), il s'intéresse à la façon dont la modernité tend à vouloir tout contrôler, y compris ce dont on ne peut disposer, créant un sentiment d'univers inaccessible.
Est-il alors urgent de ralentir ?
Émission "L'Invité des Matins", animée par Guillaume Erner.
Septembre 1959, dans un HLM de Bobigny. L'été est caniculaire et il faut quelques verres de pastis à Albert Uderzo et René Goscinny pour trouver une idée : pour son premier numéro, le journal Pilote a besoin de nouveaux personnages. Goscinny avait déjà fait parler Lucky Luke et le Petit Nicolas, voilà qu'il crée Astérix. Le plus français de tous les Gaulois a pour co-créateur un homme de 33 ans... qui en a passé 23 à l'étranger.
Car si René Goscinny est né en France, il passe sa jeunesse en Amérique. Depuis l’Argentine d'abord et à New York ensuite, la France est exotique, fantasmée. Loin de l'Europe, ce petit Français juif expatrié échappe à la guerre. Ce n'est pas le cas de sa famille restée à Paris, pour partie assassinée dans les camps nazis. Pour surmonter ce malheur, peut-être, René Goscinny choisit de faire un "métier rigolo". Le dessin d'abord. Mais ses rencontres avec Morris, Uderzo et Sempé le font devenir scénariste, l'un des plus grands de la bande-dessinée.
Et pourtant… Scénariste de bande-dessinée est un métier qui n'existe pas. La bande-dessinée elle-même est méprisée, "une sous-littérature pour diminués mentaux", dit-il.
Le voilà, le fait d'arme de René Goscinny : avec Lucky Luke, Le Petit Nicolas, Iznogoud mais surtout avec Astérix et Pilote, lui, l'amuseur professionnel, le besogneux de la futilité, a mis les bandes-dessinées dans les mains des adultes. Non pas qu'ils n'en lisaient pas avant… Mais maintenant, ils l'avouent !
C’est Goscinny qui a mis sur les rails la bande-dessinée française. C'est lui qui a découvert et a laissé s'exprimer les Moebius, Druillet, Gotlib, Brétécher, Fred, Alexis, Reiser, Cabu, Mandryka, Patrice Leconte, Mézières, Christin et autres : il serait plus facile de dresser la courte liste des auteurs de BD qui ne sont pas passés par Pilote. Il fallait bien René Goscinny et son sourire en coin pour faire passer la bande-dessinée d'art mineur à neuvième art.
Émission "Toute une vie", produite par Romain Weber.