L'implantation de l'islam en France est un phénomène récent, conséquence d'une immigration de travail qui a fait souche. Alors que l'intégration était supposée aller de pair avec la sécularisation des pratiques, le retour du religieux sous toutes ses formes (du salafisme au jihad) a posé la question de la compatibilité de l'islam et de la société française.
Mais s'agit-il d'un problème théologique, ou bien d'une simple question d'intégration des pratiques religieuses musulmanes dans le cadre de la loi de 1905 ?
Bref s'agit-il d'un Islam DE France qui serait spécifique, ou bien d'un Islam EN France, qui ne concernerait que les pratiques des croyants ?
Marcel Gauchet, au travers d'une enquête patiente et minutieuse, examine le processus de dissolution et de retournement de l'emprise organisatrice du religieux : c'est donc une histoire politique de la religion qu'il conduit.
À rebours de l'analyse marxiste qui définit la religion comme une superstructure déterminée par l'organisation économique et sociale, Gauchet s'intéresse à l'action du religieux sur la réalité elle-même. C'est ainsi qu'il parvient à dégager la spécificité révolutionnaire du christianisme et son rôle décisif dans le développement occidental.
Bien plus, si nos sociétés se laïcisent, les valeurs laïques elles-mêmes ne seraient que la transposition des valeurs religieuses traditionnelles. Il y aurait donc du religieux après la religion, et le christianisme serait même la religion de la sortie de la religion.
La modernité, dans laquelle l'occidentalisation du monde s'est cachée sous le projet progressiste, semble démunie face à la vitalité des divers "fondamentalimes religieux".
Mais assistons-nous réellement à un retour du religieux ? Et ce religieux est-il semblable à ce qui structurait traditionnellement nos sociétés ?
Youssef Courbage développe une thèse très iconoclaste sur l'évolution culturelle et politique du monde musulman : la révolution démographique qui y est actuellement en cours montre une chute rapide, et très largement méconnue, de la fécondité des populations.
Cette transition démographique serait un indicateur de l'évolution des mentalités et de l'intensité du processus de modernisation.
Et c'est tout naturellement qu'il en tire un certain nombre de conclusions politiques, notamment sur les perspectives d'évolution du terrorisme islamique, à contrecourant de la plupart des idées reçues. Pour lui, cette chute de la fécondité est l'indice d'une révolution culturelle et mentale qui rapprochera le monde musulman du monde occidental.
Une grille de lecture intéressante pour replacer les soubresauts de notre actualité immédiate dans un cadre plus général d'évolution des populations.
Nouveau porte-parole des "déshérités", l'islamisme politique ne s'attaque pas à la propriété et au pouvoir économique qui en découle, mais à la souveraineté et au pouvoir politique qui la représente.
Quand il devient armé, il exerce une violence meurtrière indifférenciée, visant à démontrer que le pouvoir n'est nulle part souverain.
Le fondamentaliste islamiste ne revendique pas la propriété de territoires, mais une redistribution monétaire sans frontières. Dès lors, il entre en conflit avec les souverains en place, en pays d'islam en premier lieu, particulièrement dans les pays pétroliers, en second lieu avec les titulaires de la souveraineté dans le monde, donc avec le centre principal, les Etats-Unis.
Cette dynamique qui anime les islamistes ne relève pas uniquement d'une nostalgie millénariste, d'un désir d'en revenir à l'Empire musulman au temps de sa splendeur. Ahmed Henni montre qu'elle s'inscrit localement dans le fonctionnement rentier des sociétés pétrolières où la richesse est liée au statut des individus. Et qu'elle s'inscrit historiquement dans la mutation mondialisée du capitalisme d'industrie en capitalisme de rente, financière notamment, où les idéologies valorisant les statuts pourvoyeurs de revenus prennent la place des idéologies valorisant le travail de production.
Comment comprendre l'apparent "détournement" du "printemps arabe" ?
Les démocraties et les droits de l'homme ne devaient-ils pas remplacer les vieux régimes poussiéreux du maghreb du moyen-orient ?
Aux termes de deux ans de conflits, il semblerait que ce soit plutôt les mouvements islamistes qui s'imposent sur la décomposition des derniers régimes arabes laïques.
Une conférence importante pour comprendre les réalités du monde arabe contemporain.
Pourquoi des dizaines de milliers de musulmans se convertissent-ils pour devenir chrétiens ou témoins de Jéhovah ? Comment expliquer que la religion qui croît le plus vite dans le monde soit le pentecôtisme ? Pourquoi le salafisme, doctrine musulmane particulièrement austère, attire-t-il de jeunes Européens ? Pourquoi si peu de jeunes catholiques entrent-ils dans les séminaires alors qu'ils se pressent autour du pape lors des Journées mondiales de la jeunesse ? Comment se fait-il que les défenseurs de la tradition anglicane conservatrice soient aujourd'hui nigérians, ougandais ou kényans, alors que le primat de l'Église en Angleterre approuve l'usage de la charia pour les musulmans britanniques ? Pourquoi la Corée du Sud fournit-elle, proportionnellement, le plus grand nombre de missionnaires protestants dans le monde ? Comment peut-on être "juif pour Jésus" ? Comment se fait-il que le premier musulman et le bouddhiste élus au Congrès américain en 2006 soient tous les deux des Noirs convertis ?
La théorie du clash des civilisations, de S. Huntington, ne permet pas de comprendre de tels phénomènes. Car loin d'être l'expression d'identités culturelles traditionnelles, le revivalisme religieux est une conséquence de la mondialisation et de la crise des cultures.
La "sainte ignorance", c'est le mythe d'un pur religieux qui se construirait en dehors des cultures. Ce mythe anime les fondamentalismes modernes, en concurrence sur un marché des religions qui à la fois exacerbe leurs divergences et standardise leurs pratiques.