Il existe une gémellité entre le droit et l'architecture, en particulier entre le droit romain et l'architecture à l’antique : ces deux disciplines ont même principe et même finalité. Tous deux, savoirs de la différence et des arts de la distance, sont au service non seulement de la civilisation, de l'organisation de la cité, mais plus fondamentalement encore de l'hominisation, de l'institution de l'homme en tant qu'homme.
Citant Vitruve et son récit des origines de la société, il rappelle que le but de l'architecture consiste, non pas à rassembler les hommes mais au contraire à ménager entre eux de l'espace pour en desserrer l'étouffante promiscuité, "à créer de la distance".
Il en va de même pour le droit. Pierre Caye défend l'idée que les différentes distinctions que Kant établit de la propriété (en la justifiant par le maintient des hommes à distance "respectueuse" les uns par rapport aux autres) reprennent les différences fondamentales du droit romain. Fonction architecturale et fonction juridique assurent une certaine distance dans le tissu social.
Pierre Caye voit dans la différence que fait Vitruve entre le projet et le chantier d'une construction, une caractéristique juridique qui rappelle la différence constitutive du droit, entre le fait et le droit.
La réflexion sur les enjeux de territoire et la récusation d'une unité politique du monde sont des motifs récurrents de l’œuvre de Carl Schmitt, malgré les ruptures apparentes ou réelles qu’elle comporte. Ils sont présents dans les écrits de la période décisionniste (1920-1933), où ils illustrent le fantasme d’un dépassement définitif du conflit politique.
Durant la période national-socialiste, Schmitt oppose sa théorie du "grand espace" et des Empires aux rêves mondialistes, d'autant plus dangereux qu'’ils servent les intérêts d'une puissance aspirant à l'hégémonie, les États-Unis.
Mais c'est dans les écrits postérieurs à 1945 que cette approche devient centrale, en même temps que la réflexion désabusée sur "le nouveau nomos de la terre" qui pourrait succéder au jus publicum europaeum de l'époque moderne.
En fin de compte, le rejet constant du rêve d'une unification politique illustre à la fois la conviction étatiste de Schmitt et son refus d'une philosophie rationaliste de l’histoire.
Quel peut être le lien entre inceste et Apocalypse ? entre mariage, héritage et système familial ? Issus du même couple selon la Genèse, ou descendants des mêmes anthropoïdes, en un sens nous sommes tous apparentés.
Pourtant, selon des critères variés, toutes les sociétés distinguent l'étranger du parent. Et en principe on hérite du parent et on se marie avec l'étranger. Des différents systèmes familiaux sont nées autant de morales, de visions du monde, de civilisations.
L'Occidental est absolument exogame. Par conséquent toutes les autres sociétés lui paraissent pratiquer l'inceste. Au contraire l'Oriental est absolument endogame, et donc à ses yeux les autres sociétés pratiquent une bien curieuse exogamie. Mais au regard des ancestrales logiques tribalo-claniques, ce sont bien plutôt les pratiques occidentales et orientales qui peuvent faire figure d'aberrations.
Docteur en droit, Damien Viguier nous expose l'évolution historique de ces différents systèmes et ce qui en découle, modelant les sociétés, entre amour, argent et droit.
Émission "Pourquoi tant de haine ?", animée par Monsieur K.
"On lie les bœufs par les cornes et les hommes par les paroles". Ce vieil adage juridique s'applique à la Cité qui, à la différence de la Ville, ne désigne pas un regroupement de population sur un territoire donné, mais l'association de citoyens sous l'égide d'une loi commune.
Cette citoyenneté peut s'exercer à des échelles variées — depuis la commune jusqu'au monde entier, mais repose toujours sur divers types d' "assemblées de paroles", qui servent à accorder les citoyens sur une juste représentation de ce qui est et de ce qui doit être. Encore faut-il pour que ces paroles cimentent la Cité, qu'on puisse leur accorder crédit.
Or de multiples symptômes témoignent de nos jours d'une perte de crédit de la parole, qu'elle soit politique, commerciale ou scientifique. Pour saisir les causes profondes d'un tel discrédit, et des violences qui en résultent, Alain Supiot part des conditions institutionnelles qui permettent d'échanger des paroles plutôt que des coups. Sur cette base il devient possible d'esquisser les voies d'une restauration du crédit de la parole dans la Cité du XXIe siècle.
On sait que le blasphème a longtemps été châtié en France. C'est d'ailleurs pendant l'affirmation de la royauté française que les blasphémateurs ont commencé à être sévèrement puni. Mais sait-on au juste en quoi consiste le blasphème ? Et quelle est son histoire ?
Gabriel Marchenoir revient sur les différents épisodes de flux et reflux de la condamnation du blasphème en France, qui aura finalement débouché sur une culture où la religion n'est plus que considérée comme une croyance privée, où le blasphème ne devrait donc plus être classée que comme une moquerie - certes fort déplaisante pour certains. En est-on si sûr ?
Accompagnée de divers spécialistes reconnus, la philosophe Blandine Kriegel nous propose de parcourir les grands auteurs de la philosophie qui ont fait l'histoire de cette discipline et continuent à être d'actualité, de l'Antiquité à nos jours.
L'occasion pour un large public d'être informé de l'évolution de la philosophie et de participer de plein droit à sa réflexion à partir de la lecture préalable d'un texte philosophique.
Rock et justice : un couple improbable. Et pourtant, les musiciens ont souvent eu affaire aux tribunaux. On y arbitre les relations tumultueuses entre musiciens, imprésarios et labels qui tournent souvent à l'avantage des producteurs et autres agents exploitant allègrement les artistes. On y organise les ruptures au sein des groupes, face aux haines qui naissent et aux séparations houleuses. Il y est aussi question de faits divers, de drogue, de sexe, de ces affaires qui font la joie des médias. Sans oublier ces petits arrangements avec la loi que s'accordent des artistes entendant suivre leurs propres règles.
Car, par sa vision transgressive, subversive, son jeu perpétuel avec les codes et les limites, le rock met à l'épreuve la société et ses institutions. Spécialiste des ces affaires, avocat et chroniqueur, Fabrice Epstein nous raconte une histoire judiciaire du Rock and Roll des années 50 à nos jours, entre petites affaires et grands scandales.
Émission "Interdit d'interdire", animée par Frédéric Taddeï.
Le contre-révolutionnaire Louis de Bonald (1754-1840) faisait l'hypothèse d'une "conformité secrète" entre la religion, l'État et la famille. Cette question n'a cessé d'intriguer et depuis Carl Schmitt on la resume sous l'expression de "théologie politique". L'Occident est au cœur d'un conflit de civilisation entre le droit romain, droit d'un Empire païen puis chretien, et la religion juive, qui est temporelle et juridique, comme en atteste sa dimension communautaire.
Plusieurs questions fondamentales doivent être alors traitées :
- la concurrence au Moyen Âge entre théologie et droit
- l'Empire romain dans le plan de Dieu (Auguste, Constantin, Justinien)
- le Talmud (droit juif) au miroir du droit romain
- le droit canon (Église) et public (État) dans le droit romain de la famille (mariage dotal, tutelle des fous, des mineurs et des femmes, successions)
- et enfin la concurence du Digeste (droit romain) et de la Bible
Une réflexion profonde qui sonde les tréfonds de notre civilisation.