Céline Lafontaine nous propose d'analyser le phénomène du transhumanisme d'un point de vue sociologique.
En partant de la notion de bio-économie qui voit dans le vivant une matière première, elle présente successivement les concepts de bio-capital -voir le corps comme un capital personnel à valoriser-, de bio-citoyenneté et de bio-médicalisation. Ils permettent de saisir l'étendue des pratiques transhumanistes déjà à l'oeuvre.
En conclusion, elle interroge le retournement qui voit l'homme devenir à nouveau objet de recherche scientifique, à son corps défendant.
Une conférence prononcée dans le cadre du colloque "Critique de la raison transhumaniste".
La revue Limite organise un débat sur les nouveaux enjeux du féminisme, sur ses controverses actuelles, mais aussi - et surtout - de la nécessaire émergence d'un féminisme incarné, écologique, enfin réconcilié avec les femmes, toutes les femmes.
Le débat, arbitré par Kévin Boucaud-Victoire, réuni Natacha Polony et Eugénie Bastié, journalistes et essayistes (avec respectivement L'Homme est l'avenir de la Femme et Adieu Mademoiselle), ainsi que Marianne Durano, professeur de philosophie (qui s'apprête à publier son essai Mon corps ne vous appartient pas) et Thérèse Hargot, sexologue, auteure de Une jeunesse sexuellement libérée (ou presque).
Un échange inédit sur le féminisme intégral !
Une épistémologie matérialiste du corps est possible, afin de comprendre comment le corps devient subjectivité.
Le corps-sujet doit être constitué en son mode de production, au double sens du terme. Le corps-sujet est une historicité spécifique dans un mode de production donné : il est la rencontre de l’histoire macro-sociale (la logique de la production, le mode de production, le moment du mode de production) et de l’histoire propre à cette organicité qu’est le corps. L’ordre du travail est aussi constituant que l’appareil physiologique du corps.
L'entreprise de Michel Clouscard n’est autre que la constitution du système de médiations qui permet cette généalogie réciproque : généalogie du macro-social par la force productive du corps, généalogie du désir par les rapports de production.
Une contribution épistémologique de la plus haute importance.
Pourquoi étudier l'étymologie de la praxis, le commencement du genre humain ? Pour le plaisir de savoir ou pour que la connaissance transforme la conscience de soi et la raison pratique ?
Rien n’est gratuit dans la recherche de Michel Clouscard, qui articule la modélisation théorique des ensembles logico-historique (moments de l'histoire) et la recherche d'une connaissance déterminante pour sortir du système du “non-dit” et du “non-su” conditionné par l'histoire des modes de production et la lutte des classes, par le codage néo-kantien. Et il est plus facile de suivre les développement de Michel Clouscard lorsqu'on comprend globalement la visée théorique qui conduit à articuler les moments dialectiques du passage de l'ontologie à l'anthropologie, de la logique du genre à la phénoménologie du genre, de la phénoménologie du genre à la critique de la culture idéaliste, néo-kantienne, bourgeoise.
Face à l'immoralisme immanent véhiculé par la culture mondaine du libéralisme-libertaire et les idéologues, une "refondation progressiste" est nécessaire. Pas une restauration métaphysique naïve, empirique, stalinienne ou fascisante, mais une réflexion profonde sur les dynamiques anthropologiques qui travaillent la société.
Produire pour consommer, consommer sans produire : l'énoncé est simple, le système des médiations et des déterminations réelles est plus complexe...
"Poursuivre cette genèse de la praxis sans montrer qu'elle débouche sur une genèse de la psyché laissera ouverte l'erreur épistémologique consistant à supposer qu'on ne gagne rien de déterminant à interroger l'universalité de la psyché dans la praxis du point de vue de l'immanence du réel et du rationnel.
Ce serait récuser le procès de production et abandonner le développement décisif de la praxis au flou déserté [...] de l'ontologie de Heidegger ou la donation illégitime de sens [...] de Levi-Strauss.
Alors la signification gnoséologique et éthique du développement de la psyché pourrait échapper à Prométhée. On pourrait nous objecter éternellement un positivisme matérialiste de la donation de sens par le procès de production.
Il est donc nécessaire de montrer que la praxis est rejointe par la psyché dans le procès de production. L'étude de la phylogenèse selon le procès de production doit être complétée par l'étude de l'ontogenèse.
L'homme synthétique sera la catégorie qui permettra d'achever la conceptualisation de la distinction entre l'homme originel et l'homme naturel." Michel Clouscard
Cette conférence part d'une réflexion sur les origines de l'hominisation pour tenter d'inscrire les derniers travaux de Michel Clouscard sur la phylogenèse et l'ontogenèse dans une perspective classique de la "philosophie de l’esprit" et de la "philosophie de l'histoire".
Elle permet de comprendre les revendications de Clouscard pour une contribution à la fois "kantienne" et "hégélienne" au problème de la connaissance.
En effet, dans l'introduction de L'Être et le Code, la critique de l'épistémologie bourgeoise conduit Clouscard au concept de "corps-sujet signifieur" pour exposer la généalogie anthropologique et philosophique de l'idéologie de classe (dominante). La mise en place du modèle théorique d' "ensemble logico-historique" permet alors de suivre les moments historiques et dialectiques du "code".
Car si, dès L'Être et le Code, le "corps-sujet signifieur" renvoie au vécu de classe pour expliquer l'idéologie, le savoir de classe et les catégories existentielles de la connaissance, dans L'Être, la Praxis, le Sujet, c'est la phylogenèse et l'ontogenèse qui sont mis en relation pour expliquer le "montage synthétique du corps-sujet".
Chez Clouscard, c’est donc à partir de l'épistémologie d'une relation émergente entre phylogenèse et ontogenèse qu'on peut se confronter à la critique du modèle du "sujet transcendantal" chez Kant.
Le réel est rationnel, comme le rationnel est réel. Mais la "phénoménologie de l'esprit" du genre humain suit l'histoire de la praxis et de la subjectivité...
Vous êtes accro à la salle de sport ? Vous ne comptez plus les moutons mais vos calories pour vous endormir ? Vous vous sentez coupable de ne pas être suffisamment heureux, et ce malgré tous vos efforts ? Alors vous souffrez sûrement du syndrome du bien-être. Tel est le diagnostic établi par Carl Cederström et André Spicer.
Ils montrent dans leurs travaux comment la recherche du bien-être optimal, loin de produire les effets bénéfiques vantés tous azimuts, provoque un sentiment de mal-être et participe du repli sur soi. Ils analysent de multiples cas symptomatiques, comme ceux des fanatiques de la santé en quête du régime alimentaire idéal, des employés qui débutent leur journée par un footing ou par une séance de fitness, des adeptes du quantified self qui mesurent – gadgets et applis à l'appui – chacun de leurs faits et gestes, y compris les plus intimes...
Dans ce monde inquiétant, la bonne santé devient un impératif moral, le désir de transformation de soi remplace la volonté de changement social, la culpabilisation des récalcitrants est un des grands axes des politiques publiques, et la pensée positive empêche tout véritable discours critique d'exister.
Résolument à contre-courant, Carl Cederström et André Spicer démontent avec une grande lucidité les fondements du culte du corps et de cette quête désespérée du bien-être et de la santé parfaite.
Une conférence initialement prononcée à la Librairie Quilombo.
L'ensemble des processus biologiques propres à l'existence corporelle sont désormais au cœur d'une nouvelle phase de la globalisation industrielle : la bioéconomie. Celle-ci peut se définir sommairement comme l'application des biotechnologies à la production primaire, à la santé et à l'industrie afin d¹accroître la productivité économique.
Parce qu¹elle s'enracine dans les soubassements anthropologiques les plus profonds -le désir d'échapper à la maladie, le rêve d'une jeunesse éternelle et la peur de la mort- la bioéconomie du corps humain représente l'expression ultime du capitalisme industriel. Elle se nourrit des promesses et des espoirs portés par les innovations biomédicales.
Céline Lafontaine revient sur le cas de la médecine régénératrice, plus spécifiquement la recherche sur les cellules souches, qui représente la forme la plus achevée de cette "industrie de l'espoir".
Une communication donnée dans le cadre du colloque intitulé "Imaginaire, industrie et innovation".