Pourquoi préférer la servitude à la liberté ? Telle est le grande question de la philosophie politique pour Deleuze et Guattari.
Répondre à cette question, c'est d'abord plonger dans l'Anti-Oedipe et comprendre le fonctionnement du désir, les machines désirantes et les corps sans organe. La schizophrénie comme processus et non comme maladie est alors pensée contre la psychanalyse et le capitalisme. Ensuite, il s'agit de se concentrer sur Mille Plateaux : revenir sur la notion de rhizome, puis ouvrir des espaces lisses avec la nomadologie et les machine de guerres.
Avec toujours cette question : comment résister contre la répression qui s'instaure parfois au plus profond de nous-même ? Comment combattre le fascisme en nous ?
C'est à partir du problème que l'existence même de la bombe atomique pose à la pensée que Félix St-German nous introduit à la pensée de Günther Anders, saisie depuis son ouvrage majeur L'Obsolescence de l'homme dans lequel l'auteur une implacable "critique de l'ère de la technique".
L'occasion de comprendre sa méthode "occasionnaliste" ses concepts de décalage prométhéen et de honte prométhéenne, soit un monde non seulement configuré par ses objets techniques, mais où ceux-ci déterminent également les critères de valeurs pour s'ériger en idéal.
Philosophe et essayiste, Dany-Robert Dufour décrypte à travers des ouvrages comme Le Divin Marché ou La Cité perverse les fondements du néolibéralisme et les effets du capitalisme sur nos structures sociales et la psyché des individus.
Au cours de cet entretien, il analyse comment Bernard Mandeville a théorisé le principe selon lequel "les vices privés font la vertu publique", posant les bases idéologiques du libéralisme moderne. Ce principe, repris par Frédéric Hayek, admirateur de Mandeville, et propagé par les think tanks néolibéraux, est devenu le socle moral de l'ordre économique et social contemporain.
Un entretien essentiel pour comprendre les dynamiques du néolibéralisme et ses impacts sur nos vies.
- 0'00'00 : Introduction
- 0'03'21 : Bernard Mandeville, père fondateur de la morale prédatrice du capitalisme
- 0'13'00 : De Mandeville à Hayek, le succès planétaire de la morale "Baise ton prochain"
- 0'22'00 : 1983-2025, la conversion de la France au néolibéralisme
- 0'26'45 : Influenceurs, fin du surmoi et écrasement d'autrui
- 0'34'00 : De Darwin à Macron, le succès de la psychologie évolutionniste
- 0'38'00 : Les pervers sociaux qui nous gouvernent
- 0'48'30 : Extension du capitalisme, géoingénierie, épuisement des ressources
- 0'57'10 : Progrès technologique, humanité surnuméraire et survie du capitalisme
- 1'03'30 : Crises sociales, dépolitisation des mouvements contestataires et French Theory
- 1'11'13 : L'horizon possible face au désastre
Un entretien mené par Thomas Arrighi.
La crise sanitaire mondiale du Covid-19 révèle une double crise : celle du système capitaliste frappé par une pandémie et qui est incapable de l'endiguer et celle des forces anticapitalistes bien en peine pour apporter une alternative.
Alain Bihr n'a d'autre ambition que d'exposer quelques thèses concernant l'un et l'autre de ces deux aspects de la crise et de contribuer ainsi à la discussion qui s'est amorcée à ce sujet.
Un examen sans concessions et des pistes pour sortir du cauchemar.
Le travail du philosophe Dany-Robert Dufour porte principalement sur les systèmes et les processus symboliques et se situe à la jonction de la philosophie du langage, de la sémiologie, de la philosophie politique et de la psychanalyse. Il est d'auteur de nombreux livres parmi lesquelles on peut mentionner L'individu qui vient et Le divin marché.
Il revient ici sur la perversité intrinsèque de notre système mandevillien. En effet, selon Bernard de Mandeville, les vices privés devraient conduire à la vertu publique, et pour se faire, il faut confier la cité aux pires des hommes. Cette inversion morale est au fondement du néolibéralisme actuel et transforme la société en profondeur. Les individus n'existent même pas, ils sont esclaves d'une idéologie qui fait d'eux des consommateurs, égoïstes et grégaires, enfermés en eux-même et désespérément attachés à leur référentiel identitaire.
Un entretien mené par Carla Costantini.
Manne économique inédite, et mieux servie que jamais par les technologies numériques, la pornographie constitue aujourd'hui le nouveau totem occidental, notamment pour une caste d’intellectuels.
En dévoilant cette collusion de la théorie, du marketing et de la propagande, Romain Roszak se risque de briser le totem.
À l'heure de la crise écologique, le dogme révolutionnaire de la "réappropriation des moyens de production" ne peut plus être affirmé innocemment. Moteur humain, moteur mécanique : ce sont là les bases de l'invention capitaliste du "travail". La croyance en la substituabilité indéfinie d'une dépense d'énergie abstraite nourrit le développement technologique et entretient une relation ambivalente avec la thermodynamique.
Une conception substantialiste de la valeur, telle que développée par Karl Marx et relue par Robert Kurz, permet de réinscrire le paradigme énergétique à l'intérieur de la forme sociale capitaliste et d'en expliciter la dynamique propre. Le rapport de composition organique du capital articule en effet étroitement le "travail mort" des machines et le "travail vivant" des
humains. La crise énergétique et ses retombées écologiques constituent en ce sens le mur externe du métabolisme capitaliste, l'autre mur étant la création d'une humanité superflue.
L'abolition du travail abstrait ne pourrait donc que signifier la fin des technologies qui sont la "matérialisation adéquate" du capitalisme. Seule une exigence d'émancipaton portée jusqu'à cette pointe pourrait à la fois cesser de consumer sans limites le monde matériel et offrir les bases sociales d'une réinvention des techniques et des activités libérées de la compulsion de valorisation.
La technique semble désormais empiéter sur tous les domaines de l'activité humaine. La science se transforme en technoscience. La morale se fait gestion des ressources et management. La parole est livrée aux techniques de communication ; l'amour, au Kâma-Sûtra. Il n’est pas même jusqu'à l'évangélisation qui ne soit atteinte : on la conçoit aisément comme la nécessité d'allier Facebook à la Sainte Face, et Twitter à l'Esprit Saint. Il ne s'agit plus d'être, mais de faire (l'amour ou un beau discours). Mais un faire qui ne se fonde plus sur l'être ne peut en vérité que défaire, et sa volonté de puissance cache une impuissance radicale, qui asservit au lieu d'élever, qui manipule au lieu d'engendrer.
L'enjeu du cours de Fabrice Hadjadj est donc, avec Aristote et saint Thomas, de distinguer la technè (faire), de la praxis (agir) et de l'epistèmè (savoir), pour montrer en quoi le savoir-faire n'est pas d'abord un savoir, et en quoi la perfection de l'art ne se situe pas sur la même ligne que la perfection morale : la confusion, aussi bien que la séparation de ces trois espèces de vertu, est désastreuse.
Il montre également comment s'est opéré le passage de la technè des Anciens à la technique des Modernes, pour essayer de penser l'empire technocratique de notre époque (qui ne semble d'ailleurs plus une époque, mais un délai).
Ce sont bien les écrans qui font écran, en dépit de leurs nombreuses "fenêtres" et "icônes", et nos GPS qui nous égarent systématiquement, quand il s'agit d'être simplement ici...