Dès 1942, Jean-Jacques Pauvert (1926-2014) fait son entrée dans le monde du livre, comme apprenti-vendeur à la librairie Gallimard et courtier en bibliophilie. Trois ans plus tard, il se propose d’ "ouvrir un lieu d’asile aux esprits singuliers", à l’enseigne du "Palimugre", où il publie notamment Sartre, Montherlant, Alphonse Allais, Renan, Marcel Aymé, avant de fonder en 1953 la SARL Librairie Jean-Jacques Pauvert. Il entreprend dès 1947 la publication des Œuvres complètes du marquis de Sade, au grand jour, sous son nom propre. De poursuites en procès, il est défendu par Maître Maurice Garçon et soutenu par Bataille, Breton, Cocteau et Paulhan. Condamné en 1957 à une forte amende, ainsi qu’à la confiscation et à la destruction des ouvrages incriminés, il est relaxé en 1958, avec l’obligation d’en restreindre la diffusion. Ce combat intransigeant contre la censure littéraire, rapporté dans L’Affaire Sade, contribue à faire reconnaître par la magistrature l’existence d’une "littérature pour adultes". Ami de Genet et de Breton, éditeur de Vian, Pauvert ouvre son catalogue au surréalisme, à la pataphysique, à l’esprit de liberté et à l’irrévérence (revue Bizarre, collections "Libertés" et "Libertés nouvelles"…), aux nouveaux dessinateurs satiriques (Chaval, Gébé, Siné, Topor, Wolinski…), à la contestation (revues Siné-Massacre en 1962-1963 et L’Enragé en 1968…) et à l’érotisme (Histoire d’O, Bataille, Mandiargues, collection "Bibliothèque internationale d’Erotologie"…).
Dans les années 1960 et au début des années 1970, plus d’une vingtaine de ses publications sont frappées d’interdiction (d’affichage, de publicité, de vente aux mineurs) : condamné à de nombreuses amendes, il est privé de ses droits civiques. Il refuse toute censure, qu’elle s’applique à de grandes œuvres ou à la pornographie ordinaire.
Maître Emmanuel Pierrat, écrivain et avocat spécialiste de la propriété intellectuelle et de la censure, conservateur du musée du Barreau de Paris, collectionneur, lui a consacré un essai biographique : Jean-Jacques Pauvert, l’éditeur en liberté (Calmann-Lévy, 2016).
La réflexion anthropologique a longtemps perçu dans le sacrifice sanglant une espèce d’énigme qu’elle s’est efforcée de résoudre, mais sans y parvenir. On s’est dit alors que le sacrifice en général, le sacrifice en soi, n’existe peut-être pas.
L’hypothèse d’une illusion conceptuelle est légitime en tant qu’hypothèse mais, dans la seconde moitié du XXe siècle, elle s’est durcie en un dogme d’autant plus intolérant qu’il croit triompher de l’intolérance occidentale, de notre impérialisme de la connaissance. Sous l’emprise de ce dogme, la majorité des chercheurs a rejeté la théorie mimétique qui réaffirme la nature énigmatique du sacrifice et enracine son universalité dans la violence mimétique de tous les groupes archaïques.
Pour illustrer la théorie mimétique, René Girard interroge la plus puissante réflexion religieuse sur le sacrifice, celle de l'Inde védique, rassemblée dans les vertigineuses Brahmanas. On trouve dans la Bible des violences collectives semblables à celles qui engendrent les sacrifices mais, au lieu de les attribuer aux victimes, la Bible et les Évangiles en attribuent la responsabilité à leurs auteurs véritables, les persécuteurs de la victime unique. Au lieu d'élaborer des mythes, par conséquent, la Bible et les Évangiles disent la vérité : on y trouve l'explication du processus sacrificiel, le processus victimaire ne peut donc plus servir de modèle aux sacrificateurs.
En reconnaissant que la tradition védique peut conduire elle aussi à une révélation qui discrédite les sacrifices, loin de privilégier indûment la tradition occidentale et de lui conférer un monopole sur l'intelligence et la répudiation des sacrifices sanglants, l'analyse mimétique reconnaît des traits comparables mais jamais vraiment identiques dans la tradition indienne. Même si nous restons incapables de débrouiller vraiment le rapport qui unit et sépare ces deux traditons, ces conférences nous permettent d'apprécier un peu mieux leur richesse et leur complexité.
Une réflexion sur les droits de l'homme, et plus spécifiquement la notion d'universel opposée à l'universalisme.
En effet, le concept d'universel est d'abord apparu en Europe, et plus spécifiquement en Grèce dans le domaine de la science, sous l'Empire Romain pour le rapport au droit et à la citoyenneté (212, Edit de Caracalla) et finalement par le christianisme dans le domaine du salut et de la morale.
Dans quelle mesure les droits de l'homme peuvent-ils alors prétendre à l'universel ?
Pourquoi les avancées successives de la France vers ce qu’on appelle des « modernisations » se sont faites par des ruptures ? Des Jacqueries aux guerres de Religion, des Frondes politiques et sociales aux fractures de la Révolution, des espérances foudroyées de 1848 ou de la Commune jusqu’à la renaissance de 1945, les guerres civiles ont toujours été en France des vecteurs de progrès.
Les révoltes du XIVe siècle vont marquer l’avènement de l’Etat moderne contre la féodalité, des guerres de Religion naîtra le triomphe de la raison contre le fanatisme, la Fronde supprimera les privilèges au profit du service de l’Etat, les dix années de guerre avant la révolution de 1789 se termineront par le Consulat, et les journées de 1848 observées en direct par Karl Marx vont marquer le triomphe du libéralisme sur le protectionnisme et l’avènement réel d’une économie de marché.
La Commune, qui est sans conteste la plus terrible des guerres civiles connues par la France, aboutira à la reconnaissance de la nation comme un moyen de rassemblement, et la crise de 1958 amènera le retour au pouvoir de Charles de Gaulle II.
De chacune de ces guerres civiles a surgi une forme de progrès et de modernisation. Alors à l’heure où la France gronde, qui sont les nouveaux révolutionnaires ? Nous assistons aujourd’hui à une nouvelle forme de guerre civile entre deux France : la France exposée des pauvres, des patrons de PME et des travailleurs précaires, et la France abritée avec l’élite des grands corps et tous ceux dont l’avenir est assuré.
De quel type de rupture accoucherons-nous à la suite de cette guerre civile des temps modernes ?
Créée par Ignace de Loyola en 1534, la Compagnie de Jésus naît alors que l’Europe est plus que jamais divisée par les querelles entre Protestants et Catholiques. En Espagne, ce nouvel ordre religieux n’a jamais cessé de faire l’objet de critiques féroces. Ses membres furent accusés d’être inféodés au Pape, de professer des idées religieuses discutables, et de chercher à s’enrichir par tous les moyens. Malgré tout, la compagnie se développa rapidement, et ses membres s’impliquèrent énormément dans la contre-réforme, construisant des écoles et des collèges dans toute l’Europe.
Leur formidable réussite dans les réductions du Paraguay suscita une hostilité très forte, notamment auprès des Créoles contre lesquels ils ont lutté pendant près de deux siècles.
L'histoire de la Compagnie de Jésus a été marquée par la montée régulière des hostilités qu'elle suscita, surtout dans les pays catholiques. Des chefs d'État et des souverains critiquèrent sa dévotion pour le pape, et le clergé lui reprocha son engouement pour la réforme ecclésiastique.
Soumise aux rumeurs malveillantes et aux accusations de complots, la Compagnie de Jésus n’a cessé de se battre. A la fin du XVIe siècle, ses victoires commencent à inquiéter le pouvoir royal espagnol. Les Jésuites ne seraient-ils pas tentés d’abuser de leur pouvoir ? Comment venir à bout de cet ordre religieux dont l’influence ne cesse de grandir ?
"Communiquer c’est transporter une information dans l’espace, transmettre c’est transporter une information dans le temps."
La transmission, qui veille au passage des messages à travers le temps, se distingue de la communication qui essaime ceux-ci dans l’espace ; la première opère nécessairement en différé, la seconde peut, grâce aux nouvelles technologies, atteindre au direct et à l’interactivité ; le capital symbolique d’une culture se transmet, une certaine coprésence communautaire se communique.
Les médiologues explorent l’intersection de ces deux axes, et les effets antagonistes-complémentaires très concrets de leur problématique articulation : qu’arrive-t-il à l’Ecole, à l’Eglise, à l’Etat, aux musées ou aux institutions quand la nécessaire transmission d’un savoir, d’une tradition ou d’une histoire croise les séductions de nos machines à communiquer? Vivons-nous une succession d’effondrements symboliques ou les étapes bienvenues d’une ouverture démocratique?
En résumé : comment le fragile objet de la transmission résiste-t-il, ici et maintenant, au flot des nouveaux médias?
La démocratie, au terme des "trente piteuses", apparaît à la fois comme la réalité politique la plus partagée et la plus discutée. À l'heure des crises économiques et des tensions géopolitiques qui mettent à mal son modèle, les questions qu'on croyait oubliées reviennent à la surface. La démocratie représentative est-elle encore capable de représenter dans des sociétés écartelées entre une marge sans cesse grandissante d'exclus et des niches toujours plus exceptionnelles de privilégiés ? Comment les lieux qui ont fait et où s'est réalisée la démocratie survivent-ils aux différentes crises qui les secouent : rue, école, prétoire, tribune, médias ?
Cycle de conférences "La démocratie en question".