Y a-t-il eu, dans l'entre-deux-guerres, un fascisme français ? Pourquoi cette question demeure-t-elle une controverse historique majeure ? En quoi conditionne-t-elle non seulement notre passé, mais aussi notre présent ?
Revisitant l'un des sujets les plus brûlants des droites françaises de l'entre-deux guerres, le grand historien Zeev Sternhell met en lumière toutes ses zones d'ombre.
Émission "Interdit d'interdire", animée par Frédéric Taddeï.
Dramaturge, poète et essayiste, Karl Kraus (1874-1936) fut avant tout un satiriste redouté, dénonçant dans sa revue "Die Fackel" les compromissions et faux-semblants des milieux littéraire et politique.
Avec Karl Kraus, phare et brûlot de la modernité viennoise (Seuil 2018), Jacques Le Rider livre une étude d'ensemble de l'œuvre de l'une des étoiles les plus brillantes de la Vienne du tournant du siècle à l’entre-deux-guerres, étude qu'il discute en compagnie d'un autre spécialiste de Karl Kraus, Gerald Stieg.
Un échange modéré par Olivier Guez.
Avant d'être un mouvement politique, l'Action française fut une école de pensée dotée d'une étonnante force d'attraction. Née en pleine affaire Dreyfus, elle fut animée par Maurras, Daudet et Bainville. Elle compta dans ses rangs Bernanos, Maulnier et Boutang, eut comme compagnons de route Massis, Maritain ou encore Blondin. Elle attira un temps Blanchot, Roy, Gide et Malraux. Elle fascina Proust et Montherlant ; influença de Gaulle et Mitterrand.
Sans indulgence vis-à-vis des dévoiements de l'antisémitisme ou du ralliement à Vichy d'une partie des intellectuels d'Action française, Olivier Dard et François Huguenin dévoilent ici un pan méconnu de l'histoire des idées et nous proposent de (re)découvrir cette pensée riche et complexe qui marqua profondément le premier XXe siècle.
Françoise Nyssen, la Ministre de la Culture, a-t-elle eu raison ou tort de retirer la référence à Charles Maurras dans le livre des Commémorations de 2018 ? Jean-Noël Jeanneney et Pascal Ory ont rappelé à très juste titre que "commémorer n'est pas célébrer : on commémore la Saint Barthélémy, on ne la célèbre pas". D'un autre côté, comme le dit un autre historien Sébastien Ledoux "si les commémorations officielles des pages sombres de notre histoire ont pu faire sens collectivement, c'est au nom de l'hommage rendu aux victimes."
Une chose est sûre en tous cas : si nous voulons comprendre quelque chose au passé français, l'œuvre et l'action de Maurras ne doivent surtout pas tomber dans l'oubli.
Aussi faut-il saluer la parution dans la belle collection Bouquins de Robert Laffont d'une anthologie de ses textes fondamentaux présentés et établis par Martin Motte ainsi que la réimpression de L'Âge d'or du Maurassisme de Jacques Paugam, préfacée par Michel de Jaeghere.
Reste cette question : comment lire Maurras aujourd'hui ? ou, pour être plus précis : peut-on être, encore maurrassien aujourd'hui, en faisant le tri de sa pensée ?
Le grand historien israélien Shlomo Sand revisite une histoire qui, de l'affaire Dreyfus à l'après-Charlie, lui apparaît comme celle d'une longue déchéance. Depuis ses années d'étude à Paris jusqu'à aujourd'hui, il a côtoyé le petit monde de la vie intellectuelle parisienne tout en sachant garder ses distances. Fort de cette expérience, il bouscule certains mythes attachés à cette figure de l'intellectuel, que la France s'enorgueillit d'avoir inventée.
Alors qu'il fut dans sa jeunesse un admirateur de Zola, Sartre et Camus, Shlomo Sand est aujourd'hui sidéré de voir ce que l'intellectuel parisien est devenu quand il s'incarne sous les traits de Michel Houellebecq, Éric Zemmour ou Alain Finkielkraut...
Au terme d'une analyse sans concession, où il s'interroge en particulier sur la judéophobie et l'islamophobie de nos "élites", il jette sur la scène intellectuelle française un regard à la fois désabusé et sarcastique.
La famille est une institution fragile dont le droit a en quelque sorte la garde. Cela tient à ce qu'il intervient traditionnellement, avec le testament et avec le partage, en matière successorale, et, avec le contrat de mariage, en matière matrimoniale. Or, mariage et succession sont comme les clefs de la famille. Ce n'est pas que les questions de filiation, de nom et de bien de famille, de tutelle, d'obligation alimentaire, de secours ou de devoirs envers les parents (vivants et morts) soient négligeables : elles participent de la même institution ; mais elles découlent toutes, en définitive, du mariage et de la succession.
Aujourd'hui plus personne ne peut ignorer que l'institution de la famille fasse l'objet des attentions les plus contradictoires. Maître Damien Viguier fait avec nous la généalogie de cette crise de la famille en remontant, par l'histoire, aux sources anthropologiques de l'institution familiale, cellule de base de la société.
Hannah Arendt naît en 1906, à Königsberg, dans une famille juive assimilée. L'adolescente rebelle commence par écrire des poèmes avant de découvrir l'éros philosophique avec Martin Heidegger et l'éthique de l'amitié avec Karl Jaspers. Mais l'ombre de l'antisémitisme s'abat sur l'Allemagne.
Après avoir été détenue par la Gestapo à Berlin en 1933, Hannah Arendt rejoint son mari, Günther Stern, à Paris, où elle aide des jeunes juifs à rejoindre la Palestine et s'éprend d'Heinrich Blücher. Raflée au Vel d'Hiv, puis internée au camp de Gurs, elle devient une "paria consciente".
Hannah Arendt et Heinrich Blücher débarquent en mai 1941 à New York. Une fois la guerre terminée, elle est déterminée à comprendre ce qui s'est passé. Elle rédige alors Les Origines du Totalitarisme, part en Allemagne identifier les biens juifs spoliés et couvre le procès d’Eichmann à Jérusalem. L'action devient le cœur de sa pensée.
Elle termine sa vie retirée, entourée de ses amis qu'elle appelle sa "tribu". Dans son Journal de pensée, elle expérimente un nouveau langage philosophique qui donne libre cours à son imagination. Sans esprit de système, Hannah Arendt laisse la pensée flotter "sans appui".
Hannah Arendt aura traversé le XXe siècle et construit son oeuvre entre deux continents géographiques et intellectuels, l'Europe et l'Amérique du Nord, la philosophie et la poésie.
Une série documentaire produite par Christine Lecerf et réalisée par Julie Beressi.
L'antisémitisme fut largement répandu chez les socialistes français du XIXe siècle. Les écrits du célèbre utopiste Fourier abondent en remarques désobligeantes ou diffamatoires contre les Juifs, qui incarnent selon lui l'usure et le commerce. Quant à Proudhon, dont la judéophobie viscérale influencera nombre d'auteurs socialistes, il déclare que "le Juif est par tempérament antiproducteur... c'est un entremetteur, toujours frauduleux et parasite...".
De nombreux socialistes anticléricaux, marqués par le darwinisme social, reprochent aux Juifs d'avoir enfanté le christianisme. Le blanquiste Gustave Tridon, résolument raciste, estime ainsi que "Jésus est un juif, un Sémite ; les Sémites sont une race inférieure, un ensemble de peuples superstitieux qui ont imaginé des religions barbares, sanguinaires, oppressives."
Avant l'affaire Dreyfus, quelques socialistes commencent à réfléchir et à douter de la validité de l'antisémitisme, mais la plupart ne se ressaisissent véritablement qu'à partir de la fin du XIXe siècle, au moment où la judéophobie bascule à droite.
Cette petite anthologie, qui restitue dans leur contexte les écrits des propagandistes antijuifs s'inscrivant à gauche, bouscule les idées reçues en démontrant que les grands ancêtres du socialisme ont largement contribué à la naissance de l'antisémitisme moderne, également analysé dans le cadre de cette conférence.
Une conférence qui s'inscrit dans le "IVème séminaire international sur l'antisémitisme" installé au Centre de la Culture Contemporaine de Barcelone.