Dans le cadre de l'Université de Printemps de la bibliothèque de Viroflay, Françoise Bonardel s'exprime sur trois sujets différents :
1. Identité
L'identité enferme-t-elle les individus et les peuples dans une image figée d’eux-mêmes, ou est-elle l’expression d’une liberté à laquelle ils ne sauraient renoncer ? Celle d’être soi, parmi d’autres êtres humains tout aussi soucieux de se situer par rapport à leur héritage culturel, leurs aspirations personnelles et les contraintes propres à chaque société.
Aussi faut-il distinguer les crispations identitaires rendant impossible une vie commune, et le désir légitime de s’affirmer dans sa singularité. Loin d’être un obstacle à la reconnaissance d’autrui comme on le pense communément, l’identité remplit un triple rôle : renforcer le rapport naturel que chaque individu entretient avec lui-même, et qui fonde sa responsabilité ; offrir au monde extérieur certains signes de reconnaissance à peu près stables permettant la vie en société ; rendre possible la transmission, de génération en génération, des acquis individuels et collectifs, autant dire de la culture.
2. Culture
Entre culture et identité le lien est en effet très fort, du moins jusqu’à ce que la "culture de masse" s’emploie à dissoudre l’une et l’autre au nom d’un égalitarisme mal compris, et d’une globalisation d’ordre commercial. Si le "droit" à la culture est aujourd’hui un impératif moral et sociétal, encore faut-il savoir quelle sorte de culture va pouvoir assurer la formation des individus tout en développant le lien social.
Si l’on parle depuis quelques décennies de "crise de la culture", en Europe occidentale tout au moins, c’est que ces deux fonctions se trouvent souvent dissociées, quand elles n’entrent pas en conflit au lieu de s’épauler. C’est pourtant à ce double souci –du monde et de soi– que la culture devrait aujourd’hui encore répondre, de manière à associer l’idéal d’excellence qui nous a été transmis par des siècles de grande culture, et le respect des principes démocratiques auxquels les sociétés postmodernes sont attachées.
3. Sagesse
Qu’il s’agisse d’identité ou de culture, la sagesse n’est-elle pas d’abord la recherche d’un équilibre, et la découverte du sens de la mesure qui fait si cruellement défaut aux sociétés postmodernes ?
Au regard de l’idéal de sagesse cultivé par les philosophes grecs, ces sociétés sont en effet la proie d’une démesure menaçant directement leur survie à long terme. Que devrions-nous donc entendre des mises en garde énoncées par les Anciens ?
Si la sagesse est pour une part la disposition d’esprit permettant d’éviter le pire, elle est aussi ce qui offre à chaque vie un horizon moins limité que celui du monde humain. C’est pourquoi l’amour de la sagesse –autant dire la philosophie– donne aussi à l’âme humaine l’audace de s’aventurer dans des territoires où elle est susceptible de découvrir le sens ultime de son destin. N’est-ce pas ce lien, entre sagesse et sens du sacré, que nous aurions besoin de redécouvrir ?
Pierre Legendre est né le 15 octobre 1930 en Normandie. Attaché à cette origine, il aime à se définir aujourd'hui comme "un homme du passé et de l'avenir". Son parcours est atypique et son oeuvre monumentale. Les livres ont toujours été sa patrie. Il fit ses universités à Paris et à Rennes.
A la fin des années 40, on composait son menu au gré de ses penchants. On avait le choix, dit-il, "de devenir un idiot ou de se construire". Il a choisi la deuxième hypothèse ... C'est ainsi qu'il est devenu un expert de la civilisation du droit civil, de la normativité, un anthropologue intransigeant, un penseur de l'Etat et des institutions... C'est en Afrique au début des années 1960 que l'auteur de "Jouir du pouvoir" (1976) a commencé à s'interroger sur les nouvelles formes d'occidentalisation du monde et s'est mis à l'école de ses "maîtres nègres". C'était au temps où les experts internationaux vendaient du "développement" à tout-va et se targuaient d'émanciper les Africains de leurs coutumes ancestrales, faisant fi des paroles de l'écrivain Hampaté Bâ disant que lorsqu'un vieux meurt en Afrique, c'est une bibliothèque qui brûle.
Depuis ces longues années d'apprentissage Pierre Legendre met à nu ce que remuent le Management et la littérature gestionnaire : le défi, le challenge, l'efficiency. Quoi encore ? Le forçage qui consiste à nouer, à la façon d'une théologie, l'ordre du marché et l'ordre du pouvoir...
L'homme est-il par nature un loup pour l'homme ?
Si nos sociétés modernes et nos modes de représentation ont largement véhiculé une image de violence des hommes de la préhistoire, cette supposée "violence primordiale" serait, selon la préhistorienne Marylène Patou-Mathis, un mythe qu'il est temps, aujourd'hui, de décortiquer.
Face aux idéologies et aux thèses de ceux qui nourrissent cette idée selon laquelle la violence, et donc la guerre, seraient inscrites dans la nature humaine, les fouilles archéologiques et les données historiques nous montrent que l'approche de ce terrain scientifique est plus subtile.
Entre le "bon sauvage" de Rousseau et "l'homme loup pour l'homme" de Hobbes, la vraie nature de l'homme est à redécouvrir au regard des avancées de la science.
La violence et la guerre ne seraient pas consubtantielles au genre humain, mais engendrées par d'autres facteurs dus à la construction des sociétés modernes !
Un mérite essentiel de l'esprit des Lumières ? Avoir promu et fortifié la haute idée d'une unité du genre humain. Tous les traités, tous les manuels, tous ceux qui forgent l'opinion en réitèrent l'affirmation avec un tel ensemble et un tel enthousiasme, qu'il est probable qu'ils y croient.
Étrange phénomène : la réalité est très différente. L'esprit de libre examen, dont également sont crédités avec ferveur les "philosophes" ceux-ci l'ont appliqué, parmi d'autres objets de quelque conséquence, à la notion même de l'humanité, qu'ils en sont venus à nier comme essence au nom du progrès. Il en résulte, sous leur plume, au moins à titre de tendance très appuyée, une dilution du genre humain dans l'animalité, dilution d'autant plus séduisante à leurs yeux qu'elle bat en brèche, comme dépassée scientifiquement, la conception biblique de l'homme.
Les retombées n'en sont pas minces. L'humanité, dans le propos des "philosophes" devient friable. Lorsque ceux-ci vont jusqu'au bout des conséquences de leurs principes, des éboulements s'en suivent, qui sont spectaculaires : ce sont des pans entiers de la famille humaine qui se trouvent dissociés de l'humanité pleine, qui sont "bestialisés" ou sous-humanisés, ou exposés à l'être. Vont en faire les frais des minorités. très majoritaires : les ethnies exotiques, le sexe féminin, le peuple en général.
Voltaire étant bien évidemment à la pointe de cette vision appauvrie du genre humain...
La conscience naissante de l'humanité du XXIe siècle est en train de devenir celle de ses propres limites. C'est ce qu'annonçait déjà René Passet dans "L'économique et le vivant".
Crises écologiques, mutations industrielles majeures, ruptures géopolitiques, émergence des biotechnologies, c'est-à-dire technicisation du vivant et de la reproduction, avènement des nanotechnologies et de la "métaconvergence NBIC" (nano, bio, info and cognitive technologies) : dans le langage de Gilbert Simondon, le processus psychosocial d'individuation qui se forme au cours de l'histoire de l'humanité paraît devoir se clore, s'incurver ou radicalement se réinitialiser dans les prochaines décennies.
Or, la pensée d'un tel devenir et de l'avenir qu'il pourrait receler n'est possible qu'à considérer l'ensemble du processus dans la très longue durée que seule peut donner l'archéologie – et précisément comme un tel processus.
Au fondement des sociétés humaines, il y a du sacré. Autant le savoir, et apprendre le secret de fabrique de ce qu'en Occident on appelle le "politico-religieux", en ces temps où le lien social se distend, où la logique communautariste et identitaire semble l'emporter sur ce qui rassemble.
Cette conférence est le fruit de quarante années de recherche, par l'anthropologue français le plus discuté à l'étranger après Claude Lévi-Strauss, et dont le parcours a été marqué par quatre étapes majeures sur le chemin de cette conclusion fondamentale, chacune d'elles faisant l'objet d'une démonstration particulière : il est des choses que l'on donne, des choses que l'on vend, et d'autres qu'il ne faut ni vendre ni donner mais garder pour les transmettre ; nulle société n'a jamais été fondée sur la famille ou la parenté ; il faut toujours plus qu'un homme et une femme pour faire un enfant ; la sexualité humaine est fondamentalement asociale.
Bernard Graber et Aliette Geistdoerfer reçoivent Maurice Godelier qui raconte l’anthropologie comme une science sœur de l’histoire, en lien avec le travail de terrain.
Maurice Godelier illustre son propos en prenant exemple des séjours prolongés qu’il fit chez les Baruyas de Papouasie-Nouvelle Guinée.
Remarque : la qualité audio de l'enregistrement est très mauvaise.
Le manque de réaction de nos sociétés face à la dégradation économique peut être imputé au niveau élevé de confort sur lequel nous reposons. En effet, la génération précédente semblait avoir trouvé toutes les solutions : plein emploi, hausse du niveau de vie, apogée du keynésianisme, paix sur le continent.
Mais aujourd’hui, le comportement de nos dirigeants en pleine crise paraît ahurissant : sauver l’euro reste leur obsession. Qu’est-ce qui pourrait expliquer cette incompétence ?
Emmanuel Todd est l’invité de Paul Jorion à la chaire Stewardship of Finance.