La publication des Cahiers noirs de Heidegger en Allemagne a mis au jour plusieurs passages, écrits dans les années 1938-1941, au contenu antisémite incontestable. Il est donc temps d'affronter le choc de ces pages mettant en question la thèse prédominante jusqu'à aujourd'hui qui voudrait que l'engagement de Heidegger dans le national-socialisme n'ait pas impliqué de sa part une adhésion à l'antisémitisme.
Car si Heidegger s'écarte de l'antisémitisme "vulgaire" des nazis, il pourrait en donner une reformulation en termes d' "histoire de l'être". Autrement dit, il intègrerait l'antisémitisme à son interprétation philosophique de l'Histoire mondiale.
Comment penser alors ce désastre du jugement de la part d'un des plus grands philosophes du XXe siècle, qui a exercé une profonde influence sur tant de grands esprits ?
Le vingtième siècle aura été le siècle de la démesure. La démesure de la politique, la démesure de l'homme, ensuite, la démesure du monde et de sa représentation dans l'art, enfin.
Nietzsche avait clairement établi le diagnostic : "La mesure nous est étrangère, reconnaissons-le; notre démangeaison, c'est justement la démangeaison de l'infini, de l'immense." Le sens de la démesure semble être une fatalité...
Au travers de la tentation de la raison d'abolir toute limite, de remettre en cause la finitude humaine, la démesure témoigne du tragique de notre condition.
Paul Yonnet est de ceux qui ont vu leur vie éclairée par la lumière noire du Voyage au bout de la nuit. Il prétend d'ailleurs que ce livre, qui exprime au plus haut point le douloureux vertige de vivre, loin de conduire au désespoir, arme secrètement les âmes bien faites.
Claude Habib, qui a un avis tout à fait différent sur l'oeuvre de Céline, lui porte la contradiction.
Hannah Arendt était philosophe politique, élève de Heidegger et l'une des chefs de file de la réflexion politologique aux États-Unis, son pays d’adoption quand elle eut quitté l'Allemagne.
Ce séminaire introduit à la pensée et à la vie de cette femme exceptionnelle et, en même temps, controversée sur un certain nombre de points.
"Il y a quelques jours on fêtait les cinquante ans de la sortie du disque des Beatles Sergeant pepper lonely heart club band. J'ai pris conscience brusquement que j'étais jeune il y a un demi siècle. Et l'anniversaire de Mai 68 qui se prépare me laissera le même goût amer. Je fais partie des anciens combattants d'une guerre heureusement imaginaire. Cette mélancolie doit être partagée par tous les baby boomers. Notre génération en effet se reconnaît à un grand évènement fondateur et à une bande-son aisément identifiable.
En va-t-il de même pour ceux qui ont entre 18 et 30 ans ? Voilà ce que je voudrais demander à mes deux invités. Qu'en est-il de la nouvelle génération ? A-t-elle une identité propre ? Peut-elle se prévaloir d'un fait marquant, d'un moment de cristallisation, d'une ferveur ou d'une panique constitutive ? Ou bien vivons-nous l'âge d'une jeunesse éclatée entre visions du monde antagonistes et références contradictoires ?" Alain Finkielkraut
Baudelaire écrivait en 1855 : "Le monde va finir. Nouvel exemple et nouvelles victimes des inexorables lois morales, nous périrons par où nous avons cru vivre. La mécanique nous aura tellement américanisés, le progrès aura si bien atrophié en nous toute la partie spirituelle que rien, parmi les rêveries sanguinaires, sacrilèges ou antinaturelles des utopistes ne pourra être comparé à ces résultats positifs." Le poète avait-il vu juste ?
De l'anglicisation du langage à la disparition de la poésie en passant par l'avènement du smartphone et l'arrivée du parler start-up au sommet de l'Etat, Alain Finkielkraut évoque ce que l'Amérique a fait de nous avec Régis Debray et Philippe Roger.
En 1891, Anatole France s'interrogeait sur le pessimisme qu'il percevait chez ses contemporains : "Pourquoi sommes-nous tristes ?" demandait-il.
Plus d'un siècle après, l'historien Christophe Charle et le professeur de sciences politiques Laurent Jeanpierre remettent cette question à l'honneur dans la conclusion du grand ouvrage collectif qu'ils ont dirigé sur La vie intellectuelle en France (Seuil) : "il n'est pas besoin d'aller très loin, écrivent-ils, pour retrouver des interrogations similaires sur la dépression française."
Avec, comme invités, Christophe Charle -justement- et André Perrin qui, après avoir enseigné la philosophie a été inspecteur d'académie et qui publie Scènes de la vie intellectuelle en France : l'intimidation contre le débat (L'Artilleur), Alain Finkielkraut a voulu en avoir le coeur net.
Comment vont les intellectuels ? Sont-ils déprimés ? Sont-ils unis par ce commun état d'âme ? Est-ce la tristesse qui caractérise leurs réflexions et qui imprègne leurs échanges ?
"La France, une nouvelle conscience ?", "Le retour du religieux", "La démocratie, une nouvelle donne ?". Ce sont quelques-uns des thèmes abordés lors de la première édition des Rencontres de Pétrarque, en 1986.
Des questionnements qui pourraient aisément être repris en 2016. Mais les réponses, elles, ne seraient sans doute plus les mêmes. Car la France a considérablement changé en 30 ans, et la façon d'y débattre également...
Un débat ayant pris place durant les XXXe Rencontres de Pétrarque.